"Pour le prochain atelier, mettez-vous par groupes de quatre !"
Cette phrase, prononcée quotidiennement dans des milliers de salles de formation et de séminaires, déclenche presque toujours le même mouvement de foule. Les regards se croisent, les chaises raclent le sol, et en moins de trente secondes, les clans sont formés.
Les amis se mettent avec les amis. Les collègues du même service restent ensemble. Les plus timides, ou ceux qui ne connaissent personne, attendent d'être "casés" dans les groupes restants.
Ce réflexe est humain, rassurant et confortable. Mais du point de vue de l'ingénierie pédagogique et de la performance d'équipe, c'est une catastrophe.
Pourquoi la constitution de groupes "libre" ou "au hasard" est-elle souvent contre-productive ? Et comment la science des données peut-elle nous aider à dépasser nos biais sociaux ?
La psychologie sociale a un nom pour ce phénomène : l'homophilie. C'est la tendance naturelle des individus à s'associer avec leurs semblables (mêmes opinions, même origine, même métier, même âge).
Dans un contexte d'apprentissage ou de travail collaboratif, l'homophilie crée des "chambres d'écho".
Manque de friction cognitive : Si tout le monde pense pareil, la prise de décision est rapide, mais souvent pauvre. Il n'y a pas de débat contradictoire nécessaire à l'innovation.
Renforcement des silos : Si le Marketing reste avec le Marketing, l'atelier de cohésion d'entreprise rate son objectif transversal.
Exclusion sociale : Les "isolés" se retrouvent ensemble par défaut, créant souvent un groupe "poubelle" (terme dur mais réalité de terrain) qui accumule les fragilités.
Laisser faire le hasard ou le choix libre, c'est accepter que le confort social prenne le pas sur l'efficacité pédagogique.
Les études sur l'intelligence collective sont formelles : les groupes diversifiés (en termes de compétences, de profils cognitifs ou d'expérience) performent mieux que les groupes homogènes sur des tâches complexes.
Cependant, il y a un coût. Travailler avec des gens différents demande plus d'efforts. Cela génère de la "friction". Au début, la communication est moins fluide qu'entre amis.
Le rôle du formateur ou du manager est de provoquer cette diversité bénéfique que les participants évitent naturellement. Il faut créer des groupes qui maximisent la complémentarité plutôt que la similarité.
C'est ici que l'outil digital change la donne. Historiquement, le formateur qui imposait les groupes passait pour le "tyran" de la salle. Il devait gérer les protestations : "Oh non, je voulais être avec Michel !"
L'utilisation d'un algorithme de matching, comme le propose Harmate, déplace l'autorité et objectivise la décision :
La neutralité bienveillante : Ce n'est pas le formateur qui sépare les amis, c'est "le système", basé sur des critères objectifs de réussite. Cela coupe court aux négociations affectives.
L'optimisation multidimensionnelle : Aucun cerveau humain ne peut créer instantanément 5 groupes de 6 personnes en équilibrant simultanément le niveau technique, la parité homme/femme, et la mixité des départements. Un algorithme le fait en une fraction de seconde.
L'inclusion garantie : L'algorithme n'a pas de préjugés. Il intègre chaque individu selon ses atouts. Personne n'est choisi "en dernier" comme à l'école. Tout le monde a sa place définie par la logique du groupe.
Constituer des groupes ne devrait plus être une étape logistique ("Il faut faire des tables"), mais un acte pédagogique fondateur.
En utilisant la donnée pour bâtir vos équipes :
Vous placez un "locomoteur" (leader positif) dans chaque groupe.
Vous dispersez les éléments perturbateurs potentiels.
Vous assurez que chaque groupe dispose des compétences techniques requises pour l'exercice.
Le "hasard" fait peut-être bien les choses dans la vie, mais rarement en formation. Pour passer du "groupe de copains" à la "team apprenante", il faut accepter de briser les affinités naturelles.
L'algorithme n'est pas là pour déshumaniser la relation, mais au contraire pour forcer la rencontre avec l'autre, celui que l'on n'aurait pas choisi spontanément, mais qui a le plus à nous apprendre. C'est cela, la véritable intelligence collective.